Sanctions des sites ICPE
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ICPE : quelles sanctions en cas de non-respect des prescriptions ?

Tiphaine - 02/10/2023

Les Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) ont une place prépondérante dans la préservation de notre environnement. Ces installations doivent donc respecter des réglementations strictes pour minimiser leur impact sur l’écosystème, aux risques de subir certaines sanctions.

Que se passe-t-il lorsque ces règles ne sont pas respectées ? Quelles sanctions peuvent être appliquées ?

Quels recours possibles face à un arrêté préfectoral ?


1. Rappel sur les 3 régimes

Tout d’abord, toutes les ICPE ne se valent pas : certaines présentent plus de risques ou de dangers pour l’environnement. C’est pourquoi il existe 3 régimes différents définis dans le Code de l’environnement (articles L512-1 et suivants).

LE RÉGIME DE LA DÉCLARATION

Pour commencer, pour les activités les moins polluantes et les moins dangereuses, une simple déclaration est suffisante.

L’exploitant peut entreprendre cette démarche directement en ligne (https://entreprendre.service-public.fr/) et pourra commencer à exploiter son installation après un délai de 15 jours. Toutefois, ce régime n’exclue pas ces installations à des contrôles périodiques des organismes agréés par le Ministère de l’Environnement.

LE RÉGIME DE L’ENREGISTREMENT

Ensuite, le régime de l’enregistrement est une autorisation simplifiée. La principale différence avec le régime de l’autorisation est le fait que les mesures de gestion des risques sont identiques pour tous les sites d’une même rubrique.

Dans ce régime procédural, l’exploitant doit faire une demande d’enregistrement avant toute exploitation de l’installation classée. Il peut déposer un dossier d’enregistrement dématérialisé. Comptez environ 6 mois pour l’instruction. Une consultation du public est réalisée et le préfet prend la décision :

  • Autorisation : l’exploitant s’engage à respecter les prescriptions réglementaires édictées par l’arrêté ministériel propre au secteur d’activité concerné.
  • Refus : clôture du dossier.

LE RÉGIME DE L’AUTORISATION

Enfin, pour les activités présentant des risques et des dangers importants pour l’environnement, l’exploitant doit faire une demande d’autorisation. Il s’agit d’un processus beaucoup plus approfondi avec l’étude des dangers et l’étude d’impact sur l’environnement. L’exploitant peut également faire les démarches directement en ligne. Une consultation du public et des conseils municipaux est réalisée et le préfet de département prend une décision :

  • Autorisation d’exploitation avec ou sans prescriptions particulières.
  • Refus.

2. L’organisation des services d’inspection

LE MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Le Ministère de la Transition écologique est en charge de fixer les dispositions réglementaires pour les sites ICPE. Ce ministère a donc plusieurs missions :

  • Fixer les dispositions réglementaires.
  • Contrôler leur bonne application et exécution.
  • Piloter le service d’inspection.

LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA PRÉVENTION DES RISQUES TECHNOLOGIQUES (CSPRT)

Pour élaborer les dispositions réglementaires, le Ministre de la transition écologique s’appuie sur le Conseil Supérieur de la Prévention des Risques Technologiques (CSPRT). Ce dernier est obligatoirement consulté sur tous les projets de textes, d’arrêtés de prescriptions générales en lien avec la nomenclature « installations classées ».

LE PRÉFET

Le Préfet du département, qui est placé sous l’autorité du Ministre de la transition écologique sur le sujet des ICPE, a l’autorité administrative sur l’Inspection.

LES INSPECTEURS

L’inspection des installations classées, placée sous l’autorité du Préfet du Département, est assurée principalement par :

  • Les DREAL (Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement) pour la majorité des établissements industriels.
  • Les DD(ETS)PP (Directions départementales (de l’emploi, du travail, des solidarités) et de la protection des populations) pour les établissements agricoles, les abattoirs et les équarrissages et certaines autres activités agroalimentaires.

Les inspecteurs sont des agents assermentés de l’Etat. Ils représentent la Police de l’environnement et s’assurent de la conformité réglementaire des installations pour protéger les intérêts de toutes les parties prenantes. Les inspecteurs procèdent donc à des contrôles réguliers pour s’assurer que les prescriptions des arrêtés préfectoraux sont bien respectés.

Quels recours possibles face à un arrêté préfectoral ?


3. Les sanctions en cas de non-respect des prescriptions

LA MISE EN DEMEURE

L’article L514-4 du Code de l’environnement définit la mise en demeure. Il s’agit d’un acte administratif par lequel le préfet impose à l’exploitant de prendre les mesures nécessaires pour faire disparaitre les dangers et impacts constatés par l’inspection, dans un délai imparti. Ces prescriptions peuvent résulter :

  • De son arrêté d’autorisation, d’enregistrement ou être annexées à la preuve du dépôt de déclaration (voire mises à disposition sur le site internet de la préfecture pour les déclarations).
  • D’arrêtés ministériels applicables à ses installations ou, de manière générale, des dispositions issues du code de l’environnement (obligation de remise en état par exemple).

Il s’agit de la première étape avant des sanctions administratives. Le non-respect d’un arrêté portant mise en demeure constitue un délit défini au paragraphe II de l’article L. 173-1 du code de l’environnement.

les sanctions

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LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES

L’article L171-8 du Code de l’Environnement définit les sanctions administratives.

La consignation

La consignation est l’obligation pour l’exploitant de mettre entre les mains d’un comptable public une somme d’argent correspondante aux travaux à réaliser. Cette somme est restituée au fur et à mesure de l’exécution des travaux.

L’exécution d’office

Ils ‘agit de faire exécuter immédiatement les mesures prescrites, à la place de la personne mise en demeure et à ses frais (les sommes consignées initialement sont utilisées pour régler les travaux réalisés).

La suspension

Il s’agit de suspendre l’exploitation de l’installation jusqu’à l’exécution complètes des conditions imposées et de prendre les mesures conservatoires nécessaires aux frais de l’exploitant.

L’amende et l’astreinte

L’exploitant peut se voir ordonner le paiement d’une amende administrative maximale de 15.000€ et des astreintes maximales à 1.500€/jour, applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu’à la réalisation complète de la mesure ordonnée. Les amendes et les astreintes sont proportionnées à la gravité des manquements constatés et tiennent compte notamment de l’importance du trouble causé à l’environnement. L’amende ne peut être prononcée au-delà d’un délai de trois ans à compter de la constatation des manquements.

LES SANCTIONS PÉNALES

Ce sont les articles L173-1 et suivants du Code de l’environnement qui précisent les sanctions pénales applicables. Pour les installations classées, il n’existe pas de « crime » et les infractions sont soit des contraventions, soit des délits. Il faut distinguer :

  • La responsabilité pénale des personnes physiques : dirigeants, patrons individuels, gérants ou présidents-directeurs généraux de société et sur les personnes ayant reçu une délégation de pouvoir, sous certaines conditions.
  • La responsabilité pénale des personnes morales : engagée pour tous les actes commis par leurs organes ou leurs représentants, ou par la personne bénéficiant d’une délégation de pouvoir de ces derniers. Il faut établir la responsabilité pénale d’une personne physique pour établir celle de la personne morale. La responsabilité d’une personne morale et la responsabilité d’une personne physique sont cumulables.

Les sanctions pénales de la personne physique

Tableau des différentes sanctions pénales applicables à la personne physique
Tableau des différentes sanctions pénales applicables à la personne physique

Les sanctions pénales de la personne morale

C’est l’article L131-39 du Code Pénal qui précise les sanctions pour les personnes morales. Ces dernières peuvent être condamnées pénalement en cas d’infractions commises pour leur compte, par leurs organes ou représentants. Le montant maximum de l’amende correspond à cinq fois l’amende maximale encourue par les personnes physiques pour la même infraction. Le juge peut également prononcer diverses mesures à l’encontre des personnes morales de droit privé :

  • la dissolution.
  • l’interdiction, temporaire ou définitive, d’exercer l’activité à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise.
  • l’affichage ou la diffusion de la décision du tribunal par tout moyen de communication audiovisuelle.

Les mesures alternatives

La transaction pénale

L’article L173-12 du Code de l’environnement définit La transaction pénale environnementale. C’est une alternative aux sanctions pénales, sous réserve d’homologation par le Procureur de la République. Elle présente plusieurs avantages :

  • Elle permet de réduire les sanctions pour certaines infractions environnementales.
  • Elle a un caractère confidentiel, n’impactant pas la réputation des personnes et entités.
  • Elle permet la résolution rapide et discrète des infractions mineures.
La composition pénale

La composition pénale est une alternative aux poursuites destinée à répondre à un délit. Cette procédure permet au Procureur de proposer une ou plusieurs sanctions à une personne qui a commis un délit sanctionné par une peine d’amende ou une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, sauf exceptions. Une fois exécutée, la composition pénale empêche toutes poursuites.

Certains critères pour sa mise en œuvre sont à respecter :

  • La loi définit les infractions pouvant faire l’objet d’une composition pénale.
  • Réservée aux affaires qui auraient pu faire l’objet d’une citation devant le tribunal correctionnel.
  • La personne physique ou morale doit reconnaître les faits et sa culpabilité préalablement à la mise en œuvre d’une composition pénale. Elle doit accepter la sanction proposée.
L’ajournement avec injonction

Ce sont les articles L132-66 et suivants du Code Pénal qui régissent l’ajournement. Cette dernière consiste à repousser la peine lorsque les dommages causés sont en voie de réparation et que les dangers vont cesser. Pour cette mesure alternative, le procès a tout de même lieu mais la sanction peut être évitée. Le juge condamne mais diffère le prononcé de la peine au plus tard 1 an après la décision d’ajournement.

De plus, il fixe un délai pour l’exécution des prescriptions, telle qu’une injonction de remettre en état le site ou de se conformer à certaines prescriptions pour faire cesser le trouble, et peut imposer une astreinte (jusqu’à 3 000€ par jour de retard).

La dispense de peine

La dispense de peine est la possibilité pour le juge de ne pas prononcer de sanction lorsqu’il apparaît que le dommage causé est réparé, que le trouble résultant de l’infraction a cessé et que les prescriptions ont été réalisées dans les délais impartis. A défaut, il prononcera la peine et fera exécuter la décision.


4. Le cumul des sanctions et le principe de non bis in idem

Se pose alors la question du cumul des sanctions et du respect du principe non bis in idem c’est-à-dire le fait que « nul ne peut être poursuivi ni condamné deux fois pour les mêmes faits ».

LES FAITS

La Chambre criminelle de la Cour de Cassation a saisi le Conseil Constitutionnel pour une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), pour se prononcer sur le caractère constitutionnel de l’article L171-8 et du paragraphe II de l’article L173-1 du Code de l’environnement (Décision n° 2021-953 QPC du 3 décembre 2021). Ces deux articles, comme nous avons vu précédemment, prévoient respectivement des sanctions administratives et pénales pour les ICPE qui ne respectent les prescriptions applicables.

En l’espèce, une société, fabriquant de tubes métalliques de haute précision pour l’industrie aéronautique, exploite une usine dont l’activité relève de la réglementation ICPE et pour laquelle elle dispose d’une autorisation préfectorale.

En 2013, un arrêté préfectoral complémentaire lui avait imposé de modifier ses installations de traitements de certaines substances rejetées et de remettre à jour des études d’impact et de dangers. Par un arrêté du 29 décembre 2015, le Préfet l’avait mise en demeure de respecter les prescriptions de ce précédent arrêté avant le 31 décembre 2016.

Cette mise en demeure n’ayant pas été satisfaite, le préfet a prononcé, le 24 août 2017, une amende administrative de 15 000 euros, prise sur le fondement du 4° du paragraphe II de l’article L. 171-8 du code de l’environnement.

En parallèle, le service de contrôle dresse un PV d’infraction, le 11 juillet 2017. La société est citée devant le tribunal correctionnel pour avoir exploité une installation classée en violation de la mesure de mise en demeure prononcée.

LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

Devant le tribunal correctionnel, la société a soulevé la QPC suivante : « Les dispositions des articles L. 173-1, II et L. 171-8 du code de l’environnement, […] sont-elles conformes au principe de légalité des délits et des peines protégé par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ? ». La société dénonce ce cumul possible des sanctions en vertu du principe non bis in idem.

Le Conseil constitutionnel retient que le principe des délits et des peines implique « qu’une même personne ne peut faire l’objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux ». En l’espèce, les peines encourues au titre des articles en cause sont de natures différentes. Par conséquent, Le Conseil constitutionnel considère donc que le cumul des sanctions litigieuses est bien constitutionnellement possible.


À retenir

A retenir

Les arrêtés préfectoraux avec des prescriptions ne sont pas à prendre à la légère. La mise en demeure est la première étape avant d’être sanctionné administrativement et pénalement. C’est pourquoi, dès la mise en demeure, il faut agir vite et bien, en vous faisant accompagner par des experts, car vous risquez très gros !

Quels recours possibles face à un arrêté préfectoral ?