Responsabilité civile et pénale
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Responsabilité civile et pénale de l’exploitant d’un site industriel

Tiphaine - 08/11/2023

Les établissements recevant des travailleurs doivent respecter la réglementation en vigueur. Ainsi, la responsabilité des exploitants est primordiale, notamment en termes de prévention des accidents et de dommages potentiels, en particulier ceux liés aux incendies. Des réglementations spécifiques encadrent cette responsabilité des exploitants.

La mise en œuvre et le suivi de ces réglementations relèvent de la responsabilité de l’exploitant. Il est essentiel de comprendre que toute négligence dans l’application de ces normes peut entraîner des conséquences graves, en particulier si un incident se traduit par des dommages corporels. Les responsabilités civile et pénale de l’exploitant peuvent être engagées, soulignant l’importance de la conformité réglementaire dans la gestion quotidienne de l’établissement.

Ce guide est spécialement conçu pour sensibiliser les exploitants, y compris leurs délégataires, à l’ampleur de leur responsabilité. Il vise également à leur fournir les principes fondamentaux pour éviter toute mise en cause de leur responsabilité dans le cadre de leur activité professionnelle.


1. Rappel sur l’incendie

LES CAUSES PRINCIPALES

En France, les incendies professionnels sont quotidiens et, bien que le nombre de victimes soit bas, l’impact économique est dévastateur. L’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) rapporte qu’après un incendie majeur, 70 % des entreprises concernées ferment définitivement. La gestion proactive du risque d’incendie est donc cruciale pour assurer la pérennité des établissements.

Divers facteurs peuvent causer des incendies, souvent imprévisibles :

  • Énergétiques : sources chaudes, appareils de chauffage, travaux à risque, installations électriques défectueuses ou surchargées, et décharges électrostatiques.
  • Humaines : cigarettes, négligence, ou actes malveillants.
  • Naturelles : réactions bactériologiques ou conditions climatiques extrêmes telles que la foudre.

La prévention des incendies nécessite une attention particulière aux équipements de sécurité tels que les extincteurs et une conformité stricte aux normes de sécurité pour minimiser les risques et les conséquences économiques désastreuses.

LES DIFFÉRENTS RISQUES

Les risques humains

Un incendie présente 4 risques pour l’homme :

  • Les fumées et les gaz sont la première cause de décès lors d’un incendie : asphyxie, intoxication.
  • La chaleur et les flammes peuvent causer de très graves brûlures.
  • L’effondrement des structures métalliques. Pour exemple, l’acier perd la moitié de sa résistance mécanique dès 550°C.
  • L’arrêt d’activité peut générer des troubles psychologiques tels que le stress, des angoisses.

Les risques matériels

Au-delà des risques humains, un incendie présente des risques matériels importants pouvant aller à la fermeture définitive d’un site. Un incendie a pour conséquence la destruction du matériel, mais aussi les dégâts causés par la combustion, par les produits utilisés pour éteindre l’incendie. De plus, un incendie a des répercussions financières très importantes : remplacement du matériel, reconstruction des locaux, perte de production…

Les risques environnementaux

Enfin, un incendie a des conséquences sur l’environnement avec les pollutions des sites, de l’eau, des sols, de l’air… Les pollutions accidentelles engendrent très souvent des poursuites pénales.


2. Les normes

La hiérarchie des normes, ou pyramide de Kelsen, permet d’établir une cohérence entre les différentes normes du droit français. Le cadre réglementaire est dépendant du type d’établissement.

Pyramide de Kelsen

Pour les ERT, c’est le code du travail qui s’applique, les référentiels (APSAD…), les normes produits, d’installation, d’exploitation et de maintenance.


3. Les différentes responsabilités de l’exploitant

L’exploitant endosse d’importantes responsabilités en matière de sécurité incendie, ce qui affecte directement leur responsabilité civile et/ou pénale.

LA RESPONSABILITÉ CIVILE

C’est le Code civil qui encadre le principe général de la responsabilité civil.

Article 1242 Cciv - responsabilité exploitant
Article 1242 du Code Civil

Il faut prouver la faute de l’exploitant pour engager sa responsabilité civile vis-à-vis des tiers. La juridiction compétente est le tribunal d’instance ou de grande instance.

La responsabilité civile a pour objectif de réparer le dommage subi par la victime. Ell attribue des dommages intérêts ou oblige à l’accomplissement d’une action. Contrairement au droit pénal, il faut constater un préjudice pour établir une responsabilité civile. Il est impératif de démontrer une faute ou une négligence. Elle a une visée réparatrice que répressive, comme la responsabilité pénale.

LA RESPONSABILITÉ PÉNALE

La responsabilité pénale de la personne physique

La responsabilité pénale concerne les actes ou omissions contre la société dans son ensemble. Cela signifie que l’État poursuit l’auteur de l’acte criminel. La responsabilité pénale peut mener à des sanctions telles que des amendes, des peines de prison, ou des travaux d’intérêt général. Pour établir la responsabilité pénale, il faut généralement démontrer que l’accusé a agi avec une intention criminelle et a effectué l’acte prohibé.

L’infraction peut être une contravention, un délit ou un crime et elle doit réunir 3 éléments :

  • L’élément moral : l’intention de l’auteur de commettre un crime ou un délit.
  • L’élément légal : le texte de loi qui prévoit l’infraction.
  • L’élément matériel : la réalisation de l’infraction.

Toutefois, la loi réprimande les infractions non-intentionnelles résultant de l’imprudence, de la négligence, d’un manquement à une obligation textuelle de prudence ou de sécurité, de la mise en danger délibérée de la personne d’autrui. Une des plus grandes affaire qui illustre les infractions non-intentionnelles est l’incendie du tunnel du Mont Blanc, en mars 1999 : La tribunal correctionnel de Bonnevillle a condamné le responsable de la sécurité à 30 mois de prison, dont 6 mois ferme, le 27 juillet 2005.

La responsabilité pénale de la personne morale

Les personnes morales, à l’exception de l’État, peuvent être responsables pénalement des infractions commises en leur nom par leurs dirigeants ou représentants, dès lors qu’ils agissent pour son compte.


4. Les recours de l’exploitant

LA DÉLÉGATION DE POUVOIRS

La délégation de pouvoir est le processus par lequel un supérieur (le délégant) confie officiellement une partie de ses responsabilités et son autorité à un subordonné (le délégataire). Cette démarche doit être claire et consentie par les deux parties. Elle permet au délégataire d’agir de manière autonome dans le cadre défini. En cas de faute ou de délit dans ces conditions, le délégataire est responsable légalement, plutôt que le délégant, dès lors qu’il rapporte la preuve que le délégataire a été « investi par lui et pourvu de la compétence et de l’autorité nécessaires pour veiller efficacement à l’observation de la loi » (Cour de cassation, chambre criminelle, 17 novembre 1987, pourvoi n°86-92514). Attention :

  • La délégation de pouvoir n’est pas forcément expresse ou écrite.
  • La simple délégation de pouvoirs en matière de sécurité n’est pas suffisante pour impliquer le délégataire (manque de moyens budgétaires, matériels…).

LA FORCE MAJEURE

La force majeure désigne une circonstance exceptionnelle rendant impossible l’exécution d’une obligation contractuelle ou la réalisation d’une prestation due. Pour qu’un événement soit qualifié de force majeure, il doit généralement répondre à trois critères :

  • L’extériorité : l’événement doit avoir une origine externe par rapport à la partie qui invoque la force majeure.
  • L’imprévisibilité : l’événement ne pouvait pas être prévu.
  • L’irrésistibilité : il est impossible d’empêcher l’événement ou ses conséquences, ce qui rend l’exécution de l’obligation impossible.

En cas de litige, il peut être nécessaire de prouver l’existence de la force majeure.

L’IMPOSSIBILITÉ DU DIRIGEANT D’INFLUENCER LE COMPORTEMENT DU CONTREVENANT

Il s’agit d’une notion invoquée en droit pénal et qui peut être un élément de défense pour le dirigeant qui serait mis en cause pour des infractions commises par des subordonnés ou des tiers. Pour que cette défense soit valable, le dirigeant doit démontrer qu’il ne pouvait pas contrôler ou influencer l’action du contrevenant, ce qui signifie que :

  • Il n’avait pas l’autorité ou les moyens de prévenir l’infraction.
  • Il n’était pas en mesure de surveiller efficacement le comportement de l’individu.
  • Il a mis en place des politiques et procédures appropriées pour prévenir de telles infractions, mais malgré cela, l’infraction a été commise de manière indépendante et sans son consentement ou sa connaissance.

Cela pourrait s’appliquer dans des situations où les actes répréhensibles sont commis par des employés agissant de manière totalement autonome ou en dehors du cadre de leur autorité et des politiques de l’entreprise. Si un dirigeant prouve qu’il ne pouvait raisonnablement empêcher ces actes, il pourrait ne pas être tenu personnellement responsable des actions du contrevenant.

Toutefois, l’acceptation de cette défense dépendra des circonstances spécifiques de chaque cas et de la législation applicable.

L’ABSENCE DE FAUTE

L’absence de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement est un principe selon lequel une personne ne peut être tenue responsable pour un dommage ou un incident s’il est démontré qu’elle a pris toutes les précautions nécessaires pour l’éviter, conformément aux exigences légales ou réglementaires.

Pour engager la responsabilité d’une personne, il faut souvent prouver qu’il y a eu une faute de sa part. Cette faute peut prendre diverses formes :

  • Imprudence : agir sans précaution ou sans attention nécessaire dans une situation donnée.
  • Négligence : omettre de faire quelque chose qui aurait dû être fait selon les circonstances, par inattention ou désinvolture.
  • Manquement à une obligation légale ou réglementaire : ne pas respecter un devoir spécifié par la loi ou par un règlement, qu’il s’agisse de règles de sécurité, de prudence ou d’autres prescriptions.

Si un dirigeant ou toute autre personne peut prouver qu’elle a respecté toutes les obligations légales et réglementaires et qu’elle a agi avec la diligence nécessaire, elle ne sera généralement pas considérée comme responsable en cas de dommage ou d’accident.


À retenir

A retenir

« Nul n’est censé ignorer la loi ». En France, les exploitants d’établissements professionnels sont responsables pénalement et/ou civilement. Ils doivent connaitre et respecter les normes afin de limiter les conséquences.